Echanger signifie, en général, se priver d'une certaine chose pour en obtenir une autre ; par exemple nous avons une valeur, nous la vendons pour en acheter une autre. Mais dans ce drame, je ne vois pas qu'aucun des personnages se prive de quelque chose qui lui appartient, afin d'en obtenir une autre qu'il ne possédait pas. Plutôt que d'un échange, il me semble qu'il s'agit d'un concert. Des âmes très différentes par leurs points de vue, par le but qu'elles poursuivent, trouvent cependant qu'elles ont, en leur possession, dans ce que la scolastique appelle un habitus, le moyen de concerter avec d'autres et de provoquer leur possession, leur habitude, à une richesse qu'ils ne possédaient pas, de sorte que sans se priver, sans se priver d'un bien qu'ils possèdent, ils acquièrent, ils mettent cependant en exploitation, si l'on peut dire, ce bien qu'ils avaient, de manière à lui faire donner des conséquences plus riches ; chacun acquiert une valeur en somme de provocation. De même que dans un concerto la valeur du violon ou de l'alto est provoquée, poussée à son plein exercice, par le dialogue de l'autre violon et du violoncelle. Et le mot Echange aurait plutôt dans ce drame une valeur musicale (...) Les quatre personnages sont inséparables l'un de l'autre, aucun d'eux n'a été conçu séparément, mais en fonction des autres ; par lui-même il serait difficile de savoir ce qu'il est et ce qu'il vaut. II ne vaut et il n'existe que par comparaison avec les trois autres. (...) Alors, dans ce temps artificiel que constitue l'unité classique, les quatre personnages sont ensemble et quoi qu'ils fassent, ils ne peuvent pas éviter d'être ensemble pendant la courte durée du lever du soleil à son coucher, où ils sont réunis. Ce que leur tempérament les obligerait à faire, ils sont emprisonnés, pour ainsi dire, dans la nécessité dramatique, c'est là l'intérêt de la pièce justement. Une idée que j'ai développée plus tard, c'est que dans l'histoire, aussi bien dans l'histoire réelle que dans l'histoire fictive, les personnages sont provoqués par la situation ; ce n'est pas une situation qu'il s'agit de développer au moyen de personnages, ce n'est pas des personnages qui trouvent leur illustration dans une situation, comme c'est le cas dans Shakespeare, c'est une situation donnée comme dans nos classiques qui provoque les personnages eux-mêmes. Alors, l'objet du dramaturge est, complètement rempli, de sorte que les quatre personnages épuisent, pour ainsi dire, la situation que le dramaturge s'est proposée.
marți, 8 iunie 2010
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